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GéMagazine n°240 : René Daumal

Septembre 2004

(1908-1944) - “ Ecrivain turbulent des Ardennes ”

Avec Roger Vailland, Roger Gilbert-Leconte et Robert Meyrat, René Daumal, alors âgé de seize ans, a formé le groupe des Simplistes en 1924, il prend alors pour pseudonyme Nathaniel. Il a tout juste vingt ans, quand il fonde avec Roger François Vailland (1907-1965), puis avec Roland de Renéville et Roger-Gilbert Leconte, un groupe intitulé “ Le Grand jeu ” et la revue poétique du même nom. Explorer l'inconscient, tel était l'ambition du groupe qui représente un courant d'une époque littéraire très riche entre les deux guerres. La poésie de René Daumal, bien que très proche du surréalisme, est plus près de la métaphysique et des religions orientales. Dès 1938, il a acquis un savoir ésotérique auprès du Maître oriental, George Ivanovitch Gurdjieff (1872-1949).

 

Un poète ardennais.

Né à Boulzicourt un certain 16 mars 1908, ancien élève du Lycée Chanzy, René Daumal fut longtemps méconnu. Son père est originaire de Barbaise, commune détachée de Raillicourt en 1990. Sa mère de Montigny-sur-Vence. Tous les berceaux, toutes les branches confondues, sont localisés dans les Ardennes faisant de ce poète, à l'instar d'Arthur Rimbaud (1854-1891), l'autre grand poète des Ardennes. Arthur Rimbaud né à Charleville, n'était ardennais que par sa mère, Marie Catherine Vitalie Cuif. Son père, Frédéric Rimbaud, était natif de Dôle, dans le Jura.

René Daumal est au Lycée Chanzy à Charleville-Mézières, puis au Lycée à Reims à la suite de la mutation de son père dans cette ville. Il poursuit ses études à Paris dès 1925, au lycée Henri IV, puis à la Sorbonne. Vivant essentiellement à Paris, René Daumal rencontra toute sa vie des conditions matérielles très difficiles. Son état de santé s'en est ressenti.

En 1938, il perd l'usage de l'oreille gauche et se sait les deux poumons malades. Il consacre son temps à la traduction de textes hindous et s'intéresse au Bouddhisme et au Taoïsme. Il est décédé prématurément en 1944 de la tuberculose, après avoir vécu dans une demi-clandestinité, sa femme étant juive. Le 9 juillet 1935, le prix Jacques Doucet lui a été décerné pour son recueil “ Le Contre-Ciel ”.

 

Nicolas Louis Daumal épousa sa cousine germaine.

Les origines géographiques de l'ascendance de René Daumal sont toutes concentrées dans le département des Ardennes, réparties plus particulièrement dans deux arrondissements : Charleville-Mézières et Sedan. Cette concentration géographique entraîne quelques unions consanguines. Nicolas Louis Daumal (n°8) épouse sa cousine germaine, Marie Jeanne Daumal (n°9). Leurs pères respectifs, Ambroise Laurent Daumal (n°16) et Nicolas Louis Daumal (n°18) sont frères. A la sixième génération, l'ascendant n°39, Marie Jeanne Daux, porte le patronyme de la mère de René Daumal, ce qui laisse présager d'une parenté plus éloignée. De même, le patronyme Pérotin apparaît par deux fois dans la branche maternelle avec Jean Baptiste Perotin (n°50) et Anne Perotin (n°53), faisant peut-être de leurs petits-enfants respectifs, François Alexis Daux (n°12) et Anne Eulalie Lemoine (n°13), tous deux natifs de Montigny-sur-Vence, mariés en 1839, des cousins éloignés.

 

L'exode et la guerre.

René Daumal a vécu dans un cadre communautaire à Sèvres de mai 1936 à mars 1939. Dès le mois d'avril 1939, il réintègre Paris, puis se retire chez le docteur Chauveau, à Brunoy d'octobre à décembre 1939. Après avoir passé le mois de janvier 1940 à Paris, il s'installe à Chatenay de février à juin 1940. Le 18 juin 1940, il est avec son frère Jack, à Saint-Christophe-en-Bazil, près de Cahors. L'hiver venu, il s'installe à Marseille et y rencontre Simone Weil. C'est à Marseille qu'il a épousé le 5 décembre 1940 Tillie Miller dite Véra Milanova, son épouse rencontrée en novembre 1927 à Paris, devenue sa compagne dès février 1931 après un séjour aux Etats-Unis, et qui lui survivra. Le couple est de retour à Paris le 13 octobre 1943 alors que sa santé décline. Le 21 mai 1944, il s'éteint au 1, rue Monticelli dans le quatorzième arrondissement.

 

Un frère de huit ans son cadet.

Léon Pierre Louis Daumal (n°2) et Joséphine Lucie Daux (n°3) ont eu cinq enfants : 1° Jean Daumal ; 2° Marianne Daumal, institutrice ; 3° René Daumal ; 4° Pâquerette Daumal, née le 10 mai 1915 à Paris 14ème, morte jeune ; et 5° Jack Daumal.

Jack Daumal est né le 29 décembre 1916 boulevard de Port Royal n°123, dans le quatorzième arrondissement de Paris. Le père, Léon Pierre Louis Daumal (n°2), est alors employé au Ministère et demeure avec sa petite famille, rue Saint Honoré, au numéro 181.

Jack Daumal épousa le 5 décembre 1939 à la mairie du vingtième arrondissement de Paris, Marthe Yvonne Avon dont il divorça. Il s'est remarié au Consulat de France au Caire en Egypte en 1977 avec Marie Jacqueline Jeanne Leroy. Lorsqu'il épouse Marthe Yvonne Avon, Jack Daumal, est qualifié de répétiteur, mais il est en fait soldat au dépôt 212, et demeure avec ses parents, au 41 boulevard d'Indochine. Jack sera proche de son frère et témoignera volontiers après la mort de celui-ci.

 

Percepteur en retraite à Paris.

Léon Pierre Louis Daumal (n°2) est dit percepteur en retraite à son décès survenu le 13 janvier 1941 au n°41 boulevard d'Indochine à Paris. Au mariage de son fils Jack célébré en 1939, il était déjà qualifié de percepteur. En fait, Léon Pierre Louis Daumal “ professeur d'école normale rétrogradé instituteur en raison de ses idées socialistes ”, fut instituteur à Blesmes (Aisne) de 1896 à 1904. Changeant de catégorie pour des raisons de santé, il fut nommé percepteur en 1904 à Boulzicourt, muté en 1914, semble-t-il, en Corrèze à Bort-les-Orgues, puis employé au Ministère à Paris pendant la guerre. De 1911 à 1918, la famille Daumal vit à Vireux-Molhain (Ardennes) où le père a été nommé percepteur, mais le séjour fut donc entrecoupé de nombreux déplacements durant les quatre années de guerre. C'est ainsi qu'en 1916, la  famille est installée, après un bref passage à Sarcelles, au 181 rue Saint Honoré à Paris. On la localise ensuite à Rosny, à Angers et à Langres. En 1919, la famille s'installe à Charleville-Mézières retrouvant ainsi les Ardennes natales. De mars 1922 à décembre 1925, l'adresse de la famille est au 5, rue du Champ de Mars à Reims. Le 30 juin 1926, Léon Pierre Louis Daumal est nommé percepteur à Gonesse, il y restera jusqu'à sa retraite en 1935. Entre 1939 et 1941, Les parents de René vivent au 41, boulevard d'Indochine. Lors du décès de René Daumal, sa mère, Lucie Joséphine Daux (n°3), est domiciliée à La Plaine-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), mais son décès survint six ans plus tard au 161, rue de Charonne à Paris 11è.

 

Chevalier de la Légion d'honneur.

Léon Pierre Louis Daumal (n°2) fut fait chevalier de la Légion d'honneur à titre civil le 31 mars 1925. La base Léonore des Archives nationales ne contient pas son dossier, mais on y trouve le dossier d'un nommé Jean Baptiste Daumal, natif de Montigny-sur-Vence, dans les Ardennes, ville dont est originaire la famille Daux.

Ce Jean-Baptiste Daumal y est né le 11 novembre 1832 de Jean Nicolas Honoré Daumal, serger, et de Marie Françoise Renard. Ingénieur honoraire des chemins de fer de l'Est, Jean Baptiste Daumal s'est illustré, entre autres, par deux fois en 1870 dans la construction en quatre jours et trois nuits de neuf ponts militaires sur les trois bras de la Moselle, en avant de Metz, pour la retraite de l'armée du général Froissard. Ce dernier a terminé sa vie à Meaux, en Seine-et-Marne. Une recherche plus poussée nous permettrait peut-être de trouver un lien de parenté.

 

Militant politique, ami de Jean-Baptiste Clément.

De modestes bourgeois, cultivateurs propriétaires, petits artisans, maçons et menuisiers, la famille Daumal a vécu une ascension sociale, et ce sur trois générations : Ambroise Aristide Daumal (n°4), père cultivateur, Léon Pierre Louis Daumal (n°2), fils instituteur, et René Daumal, petit-fils universitaire. Léon Pierre Louis Daumal (n°2), instituteur puis percepteur, est aussi un militant socialiste et anticlérical et son nom figure dans le “ Dictionnaire du mouvement ouvrier français ” de Jean Maitron. Il est l'ami de Jean-Baptiste Clément (1836-1903), publiciste demeurant à Charleville, militant ouvrier et chansonnier, pionnier du socialisme dans les Ardennes, et publiera en 1936 d'ailleurs un opuscule sur l'auteur du “ Temps des Cerises ” à l'occasion du centième anniversaire de sa naissance “ Jean-Baptiste Clément, chansonnier du peuple et propagandiste ”. En tant que militant politique, le père laissa à ses fils le choix de leurs opinions.

 

Remerciements :

Monsieur Alain Chapellier, généalogiste, 47, rue de Lauveau 08090 Warnecourt.

 

Œuvre de René Daumal :

Œuvres éditées de son vivant :

- Lettre à André Breton (1930), intitulée “ Prenez garde, André Breton, de figurer plus tard dans les manuels d'histoire littéraire ”.

- Le Contre-Ciel (Gallimard, 1935).

- La Grande Beuverie (Gallimard, 1938).

Œuvres éditées après sa mort :

- Le Mont analogue (roman inachevé commencé en 1939, paru en 1950).

- Chaque fois que paraît l'aube (Essai, 1953).

- Poésir noire, poésie blanche (1954).

- Lettres à ses amis (1958).

- L'Evidence absurde (Essai, 1972).

- Les Pouvoirs de la parole (Essai, 1972).

 

Bibliographie :

- “ Racines d'Ardennes ”. Tome II : “ René Daumal - le Grand jeu ” (pages 11 à 14). Alain Chapellier. Les Editions du Plateau de Rocroi.2003.

- “ Who's Who in France - XXe Siècle 1900-2000 ”. Editions Jacques Lafitte. Paris.

- “ René Daumal ” par Jean Biès. Collection Poètes d'aujourd'hui. Seghers Editeur, 1967.

- “ René Daumal ”, les dossiers H, éditions de l'Age d'Homme, paru sous l'autorité de Pascal Sigoda.