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GéMagazine n°194 : Les frères Lumière

Juin 2000

Antoine Auguste et Louis LUMIÈRE - "deux êtres de génie"

 "la famille Lumière mérite bien son nom: elle veut dérober au soleil tous ses secrets". [Adolphe brisson - 7 avril 1896].

Deux êtres de génie dont l'œuvre va de l'invention du cinéma à celle de la photographie des couleurs, mais aussi de la mise au point des fameuses plaques sèches à la création de médicaments. Des talents complémentaires d'industriels et d'inventeurs qui ont abouti à plus de 350 brevets d'invention.

 

De la Haute-Saône à Paris.

Claude Antoine dit Antoine Lumière (n°2) est né le 13 mars 1840 dans un petit village de Haute-Saône, Ormoy. Avec ses parents, Antoine arrive à Paris où il est mis en apprentissage. Nicolas Lumière (n°4) et Louise Huguenin (n°5) meurent à quelques jours d'intervalle au moment où sévit une terrible épidémie de choléra; le premier décède le 4 juin 1854, la seconde, le 25 avril de la même année, laissant un adolescent d'un peu plus de quatorze ans. Ce dernier sera recueilli par sa soeur à Marcilly, dans le département de l'Aube. Là, il apprend la menuiserie chez Armand Dovine, et se passionne pour les livres scientifiques. Il reprend le chemin de Paris, et se place comme apprenti chez un peintre d'enseignes, Auguste Constantin. Antoine Lumière (n°2) ne fera pas son service militaire; il se trouvera un remplaçant grâce aux 1500 francs par son patron. Durant cette période, il va réaliser une enseigne lumineuse géante pour le photographe Nadar. Le 24 octobre 1861, il épouse à la mairie du cinquième arrondissement de Paris, Jeanne Joséphine Costille (n°3), une blanchisseuse, qui lui donna six enfants.

 

De Paris à Besançon.

Après un cours séjour à Lyon, le couple s'installe à Besançon. Lorsque naît leur premier fils, Auguste Marie Louis Nicolas dit Auguste Lumière (n°1a), le 19 octobre 1862, Antoine Lumière (n°2) travaille dans un studio de photographe, au n°11 de la rue des Granges. Dans le même temps, il s'inscrit à l'Ecole d'art industriel et y suit les cours de peinture de Victor Jeanneney; en recevant un prix de dessin de cette même école, il y devient professeur. L'année 1862 est marquée par la naissance d'un fils, mais aussi par l'achat d'un fonds de commerce, qu'il transforma en studio de photographie.

Les fins de mois sont difficiles, et Antoine Lumière (n°2) s'associe avec le peintre Emile Lebeau, et ouvre deux succursales de photographie à Montbéliard et à Baume-les-Dames; les affaires restent pourtant médiocres. Dans le même temps, la famille va s'agrandir avec la naissance de Louis Nicolas Jean dit Louis Lumière (n°1b), le 5 octobre 1864, et celle de Jeanne Claudine Odette Lumière, le 2 avril 1870.

 

De Besançon à Lyon.

Après la naissance de cette première petite fille, la famille s'installe au n°7 rue des Marronniers à Lyon. Après une association avec un photographe nommé Fatalot, il travaille quelques temps chez Lebeau, pour finir par s'installer rue de la Barre, dans un baraquement qui lui tient lieu de studio. En trois ans, Antoine Lumière (n°2) va se faire une réputation comme portraitiste d'art, et la famille s'installe dans un appartement au 16 rue de la Barre où verra le jour, une deuxième petite fille, Melina Juliette Lumière, le 30 septembre 1873. Le baraquement est remplacé par un petit bâtiment en pierre qui compte un salon de réception, un studio, deux laboratoires, une cave et une vitrine.

Après l'invention par Louis Lumière (n°1b) des plaques sèches, Antoine Lumière (n°2) achète le terrain d'une ancienne chapellerie, à Monplaisir, au n°25 de la rue Saint-Victor, et y installe une usine. Toute la famille est mise à contribution pour la fabrication de ces plaques, désormais appelées "étiquettes bleues". La famille s'agrandit encore avec la naissance d'une petite fille, Francine dite France Lumière, née le 18 septembre 1882, et celle d'un garçon, Edouard Petrus Lumière, le 18 novembre 1884. L'usine emploie alors une dizaine de personnes, les emprunts sont remboursés et les dettes épongées.

 

La triade Lumière: un père, deux fils.

Antoine Lumière (n°2) était un homme d'inspiration et d'impulsion, ses deux fils aînés, Auguste et Louis, deux êtres de génie. Cette association de compétences est l'exemple même d'un dynamisme familial aboutissant à une industrie gigantesque.

Louis Lumière (n°1b), chimiste et industriel, est né à Besançon, dans le Doubs, le 5 octobre 1864. Louis Lumière (n°1b) est entré au laboratoire de son père, alors photographe à Lyon, pour y entreprendre avec son frère, Auguste, une série de travaux qui vont apporter de grandes améliorations dans la photographie. Louis Lumière (n°1b) créa en 1895 le premier Cinématographe  et présenta son premier film "la sortie des ouvriers" en public à Paris.

Auguste Lumière (n°1a), biologiste, fut constamment associé aux travaux de son frère et auteur de travaux remarquables sur la technique photographique.

 

Jeux d'alliance en famille.

Malgré une vie où la recherche occupe tout leur temps, les frères Lumière pensent au mariage. C'est ainsi que Louis Lumière (n°1b) épouse le 2 février 1893 à la mairie du troisième arrondissement de Lyon Rose Léonie Winckler. Le 31 août suivant, et ce dans la même arrondissement, c'est au tour de Auguste Lumière (n°1a), et de sa sœur, Melina Juliette Lumière, de convoler. Ils épousèrent respectivement la sœur et le frère de leur belle-sœur, Marie Marguerite Euphrasie Winckler et Jules Eugène Adolphe Winckler.

Un autre mariage Lumière-Winckler fut célébré; celui-ci eut lieu le 9 juin 1903 dans la même mairie et concerne la dernière-née, Francine dite France Lumière avec Charles Xavier Ferdinand Winckler.

 

Familles franc-comtoises.

Les origines, tant paternelles que maternelles, des frères Lumière sont toutes concentrées en Franche-Comté, dans le département de la Haute-Saône, et plus particulièrement dans l'arrondissement de Vesoul. La famille Costille est localisée à Aubertans, commune qui est rattachée actuellement à Beaumotte-lès-Montbozon-et-Aubertans. Deux individus de la sixième génération, Antoine Costille (n°48) et Jeanne Claude Championet (n°49), sont natifs de Guiseuil, en Haute-Saône. Hugues Costille (n°96) est décédé à Authoison - arrondissement de Vesoul, canton de Montbozon - le 10 février 1694. Deux décès de la quatrième génération, Anne dite Jeanne Ferniot (n°9) et Marie Thabusot (n°11), ont eu lieu dans l'arrondissement de Vesoul, mais dans des communes autres, à Anchenoncourt - actuellement Anchenoncourt-et-Chazel, canton de Amance - et à Ormoy - canton de Jussey - dans la commune où vit le jour Antoine Lumière (n°2), lui-même. Toutefois, quelques événements ont eu lieu au chef-lieu du Territoire de Belfort; c'est ainsi que Jean Baptiste Costille (n°12) et Michel Béchot (n°14), sont tous deux décédés à Belfort, le premier le 23 mai 1809, et le second, le 23 mai 1814. Leurs enfants, Louis Costille (n°6) et Anne Marie Béchot (n°7), grands-parents maternels des frères Lumière, y ont vu le jour, et se sont mariés à Besançon, dans le Doubs.

 

Une ascension sociale.

L'ascension sociale a débuté avec Antoine Lumière (n°2) qui, malgré qu'il ait perdu ses parents dans sa quatorzième année, a su développer ses dons, son esprit d'entreprise et son goût du travail. Qualités qu'il a transmises à ses propres enfants, et tout particulièrement à ses deux fils aînés, ses heureux successeurs. Andrée Lumière travaillera avec son père Auguste Lumière (n°1a), nommé responsable au service radiographique de l'Hôtel-Dieu pendant les heures sombres de la guerre, tandis que Louis Lumière (n°1b) créa un hôpital de 100 lits où il sera aidé par ses beaux-frères médecins, Armand Gélibert et René Koelher, sa soeur infirmière, France Winckler, et sa femme, Rose, infirmière directrice et qui reçut la médaille de la reconnaissance française. Henri Lumière, fils d'Auguste Lumière (n°1a), aviateur, est spécialisé dans la réparation des avions touchés; lui aussi sera inventeur. La famille Lumière comptait auparavant trois générations en ligne directe de vignerons, Nicolas Lumière (n°4), François Léopold Lumière (n°8) et François Lumière (n°16).

Les Huguenin sont tisserands, Michel Béchot (n°14) est cabaretier, sa fille, Anne Marie Béchot (n°7) fut cuisinière. Ignace Claude Costille (n°24) est cordonnier à Aubertans, son fils, Jean-Baptiste Costille (n°12), journalier à Belfort, et son petit-fils, Louis Costille (n°6), imprimeur à Paris; une ascension qui sera concrétisée avec le mariage de Jeanne Joséphine Costille (n°3) avec Antoine Lumière (n°2).

 

De longues vies créatrices.

Les frères Lumière ont tous deux dépassé les 80 ans. Leur père s'éteignit à 71 ans "d'une hémorragie célébrale", leur mère à 74 ans pendant la grande Guerre. Cette guerre qui emporta le dernier-né, Edouard Petrus Lumière, mort en mission en 1917, aux commandes de son avion; il avait 33 ans. Quelques jours après l'armistice, Andrée Lumière, qui venait tout juste de se fiancer, meurt de la grippe espagnole. La soeur d'Auguste et de Louis Lumière, Melina Juliette Lumière, meurt à 51 ans en 1924 à Montpellier (Hérault). L'année suivante, Louis Lumière (n°1b) a la douleur de perdre son épouse, Rosé Léonie Winckler alors âgée de 57 ans. Marie Marguerite Euphrasie Winckler, épouse de Auguste Lumière (n°1a), décédera en 1963.

Il existe une baisse de l'espérance de vie de la cinquième à la quatrième génération, chute qui se confirme à la troisième génération. Pierre Huguenin (n°10) s'éteignit prématurément, onze mois après la naissance de sa fille. Quatre autres décès eurent lieu avant 60 ans: Nicolas Lumière (n°4), Louise Huguenin (n°5), Jean-Baptiste Costille (n°12) et Marguerite Parcheminey (n°25).

 

Trois destinées exceptionnelles pour une œuvre tournée vers l'avenir et qui recouvre la fin du XIXème siècle et la première moitié du XXème siècle.

 

Sources:

Ascendance des frères Lumière de Roger Chipaux.

"Antoine Auguste et Louis Lumière" de Jacques Rittaud-Hutinet. Editions Lyonnaises d'Art et d'Histoire. Collection Hommes et Régions. 1994.