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GéMagazine n°186 : Gérard Depardieu

Octobre 1999

Génial et imprévisible

"Extraordinaire", "unique au monde", "tonique", "énergie brute", voilà comment est qualifié Gérard Depardieu. Andrée et Maurice Aujeu sont allés à la rencontre des ancêtres de Gérard Depardieu. Ils nous font partager ses racines berrichonnes et jurassiennes.

 

Apports berrichon et franc-comtois.

Les origines géographiques des seize quartiers, soit des seize individus de la cinquième génération, sont partagées équitablement entre le Berry et la Franche-Comté. Le berceau de la branche paternelle est concentré dans le département de l'Indre, plus précisément dans l'arrondissement de La Châtre; celui de la branche maternelle, dans les arrondissements de Saint-Claude et de Lons-le-Saulnier, dans le Jura.

 

Castelroussin de naissance.

René dit Dédé Depardieu (n°2) est né en 1923 à Montchevrier, un "hameau du Berry entouré de champs de blé, de vignobles, de vaches, de ruisseaux poissonneux, de forêts remplies de champignons en automne". Emilienne dite Denise Foulatier (n°5), est veuve très tôt de Louis dit Marcel Depardieu (n°4), décédé en 1931; il a fait la Première Guerre mondiale et a poursuivi par la suite une carrière militaire. René dit Dédé Depardieu, leur unique enfant, a tout juste sept ans au décès de son père. Elévé seul par sa mère, il se réfugie en Suisse lors de l'arrivée des allemands en juin 1940 - la ligne de démarcation est à quelques kilomètres au Nord de Châteauroux. Après quelques mois passés dans un camp de réfugiés, René Depardieu est de retour dans sa région natale, et s'installe à Châteauroux. La rencontre d'Alice Jane Josèphe Marillier et de René Depardieu aura pour cadre cette ville de province occupée. Le mariage sera célébré le 19 février 1944 peu de temps après que Laval ait annoncé que "les hommes de 16 à 65 ans et les femmes de 18 à 45 ans pourront être envoyés en Allemagne". Six enfants vont naître à Châteauroux; Gérard Depardieu est le troisième enfant.

 

La famille paternelle, de l'arrondissement de La Châtre.

Les seize individus de la branche paternelle à la sixième génération sont tous nés dans l'Indre. Guillaume Etienne Depardieu (n°32), qualifié de propriétaire, est né et décédé à Cluis, les 24 octobre 1783 et 1er février 1849. Son épouse, Marie Himbert (n°33), native de Cluis comme lui où elle est née le 20 janvier 1784, y est décédée le 12 mai 1853. Leur mariage fut célébré le 20 janvier 1818 à Montchevrier. Silvain Hérault (n°34), dit officier d'infanterie en retraite, a épousé une fille d'Orsennes, Marie Lagneau (n°35). Ils sont tous deux décédés à Montchevrier, où la famille semble s'être installée, le premier, le 11 décembre 1831, et la seconde, le 12 septembre 1872. Etienne Guilbaud (n°36) est de Gournay, dans le canton de Neuvy-Saint-Sépulchre; il y a vu le jour le 5 avril 1796. Laboureur il se fixa lors de son mariage célébré le 1er février 1820 à Pommiers où sa femme, Anne Duris (n°37), vit le jour le 22 juillet 1801. Silvain Gateau (n°38), journalier, et Marie Bion (n°39) sont tous deux originaires d'Orsennes. Ils s'y sont d'ailleurs alliés le 18 juillet 1848. Jean Foulatier (n°40), laboureur, est natif de Saint-Denis-de-Jouhet, dans le canton d'Aigurande. Né le 15 décembre 1774, il a épousé le 18 juillet 1809 à Crevant, commune d'origine de sa future, Louise Chauvet (n°41); puis la famille s'installera ensuite à Lourdoueix-Saint-Michel, dans le même canton. Jean Péricat (n°42), laboureur, est aussi de Montchevrier, tout comme sa femme, Marie Hérault (n°43), patronyme déjà rencontré plus haut. Silvain Nouhant (n°44) s'est uni à une fille d'Aigurande, Marie Delage (n°45), à Aigurande le 9 février 1834, mais la vie du couple s'est déroulée à Montchevrier où Silvain Nouhant exerça la profession de maçon. Le patronyme Delage apparaît une seconde fois avec Martial Delage (n°46) d'Aigurande, qui a épousé le 28 avril 1837 à La Buxerette, même canton, Marie Bonjour (n°47).

 

De Saint-Claude à Châteauroux.

Vers 937, Raoul Le Large, seigneur de Déols, fit construire une forteresse sur la rive gauche de l'Indre - ce château fut nommé "Château Raoul", et se transforma en Châteauroux - . Le dernier seigneur de Déols, mort en 1176, laissait une fillette de trois ans, Denise qui s'allia avec André de Chauvigny - Denise comme la grand-mère de Gérard, André, comme son père - . La baronnie de Châteauroux devint comté en 1498, puis duché-pairie en 1627. En 1751, une Manufacture de drap fut créée, et à la révolution, Châteauroux devint un chef-lieu. La population ouvrière se développa par la réouverture de la Manufacture de drap, auquelle se joignit une population militaire, par la création des Equipages militaires. Dans la deuxième moitié du XIXème siècle, Châteauroux devint une ville industrielle avec une manufacture des tabacs, deux brasseries, deux fonderies et un atelier de confection. Dès 1936, s'installe une usine d'aviation, et entre 1951 et 1967, c'est l'époque de la base américaine. L'occupation oblige Xavier Charles Louis Marillier (n°6), pilote, à rejoindre la base aérienne de La Martinerie, à quelques kilomètres de Châteauroux.

 

Saint-Claude, de renommée universelle.

Saint-Claude est la ville où "les mains portent en mémoire un savoir-faire, une odeur de racines, le goût de l'authentique". Nommé "Condat, Saint-Oyend puis Saint-Claude, ce centre religieux fut fondé par les moines Romain et Lupicin vers 430. Il devint lieu de pélérinage lorsqu'on découvrit, quatre siècles après sa mort, que le corps de Saint-Claude, abbé au VIIème siècle, s'était parfaitement conservé. Avec le passage des pélerins s'installa la fabrication des objets de piété. Ainsi naquit la tournerie. De génération en génération, devant leur tour, les Sanclaudiens constituèrent une main d'oeuvre particulièrement habile, minutieuse et d'esprit inventif. Le tabac introduit en France vers 1560 fut utilisé sous forme de poudre à priser, ce qui donna naissance à la fabrication de tabatières. A Saint-Claude, dès le début du XVIIème siècle, on a tourné des tuyaus en buis, en os puis en corne pour les pipes en terre ou en porcelaine fabriquées dans d'autres contrées. A partir de 1750, lorsque l'usage de fumer fut plus répandu, on fabriqua des pipes avec les bois du pays: hêtre, alisier, buis, merisier. Vers 1855, la découverte providentielle de la Bruyère, extraite dans le bassin méditerranéen, va donner un essor considérable à Saint-Claude. Cette précieuse essence, façonnée avec goût et habileté par des hommes et des femmes. La Bruyère, au XIXème siècle, fit la renommée universelle de la ville de Saint-Claude. Grâce à ces atouts auxquels s'ajoute l'esprit d'entreprise de ses industriels, Saint-Claude devint au XIXème siècle centre mondial de la pipe".

 

La famille maternelle, originaire du Jura.

Marie Jérôme Marillier (n°48), cultivateur, a épousé une fille de Cuttura, canton de Saint-Claude. Hyacinthe Lydie Tissot (n°49) est née le 27 septembre 1802; elle s'est mariée à Cuttura le 27 février 1827. Le couple semble s'être installé ensuite à Saint-Lupicin. Joseph Jules Gaillard (n°50), cultivateur, est d'Onoz, du canton d'Orgelet sur l'arrondissement de Lons-le-Saulnier. Son mariage fut célébré à Cernon - dans la commune où réside la future, Victoire Perrin (n°51) - le 10 novembre 1838. Jean Baptiste Brunet (n°52), sabotier, lui est de Chevreaux, du canton de Saint-Amour, arrondissement de Lons. Par son mariage célébré le 9 février 1830 avec Marie Constance Tournier (n°53), il s'installe à Saint-Claude. Claude Marie Delavennat (n°54), tourneur, et Marie Claudine David (n°55), sont tous deux de Chaumont; ils s'y sont épousés le 26 avril 1809. Jean Joseph Hermann Lançon (n°56) est teinturier à Saint-Lupicin. Son épouse, Marie Euphrasie Perret (n°57), est de Ravilloles, du canton de Saint-Claude. Quant à Louis Grand-Mottet (n°58), il est garde chef forestier à Les Crozets; il y décédera le 4 novembre 1858, son épouse, Marie Félicité Guyétaud (n°59), quelques années plus tard, le 18 octobre 1864. Joseph Marie Gros (n°60) est né à Saint-Claude le 23 décembre 1785. Son épouse, Marie Josèphe Chapelland (n°61), est de Saint-Lothain, du canton de Sellières sur l'arrondissement de Lons. Leur mariage fut célébré à Chaumont le 19 septembre 1826. Le dernier couple, Pierre Grappin (n°62), tuilier-potier de son état, de Larnaud, du canton de Bletterans sur l'arrondissement de Lons, et Marie Augustine Monnet (n°63), de Fort du Plasne, du canton de Saint-Laurent-en-Grandvaux sur l'arrondissement de Saint-Claude, s'est uni à Saint-Claude le 2 mars 1829 et y a séjourné jusqu'à leurs décès, survenus en 1864 et 1885.

 

Orphelin de père à sept ans.

Sur les 39 décès recensés de la deuxième à la sixième génération, on constate que l'espérance de vie de la troisième génération atteint un peu plus de 70 ans. Un tiers des décès - 13 décès sur 39 - est survenu avant 60 ans, pour ne pas dire avant 55 ans puisque 12 décès sur 13 sont arrivés entre 35 et 54 ans. Les deux tiers des décès survenus après 60 ans - 26 décès sur 39 - se répartissent de la manière suivante: 5 décès entre 60 et 64 ans, 11 décès entres 65 et 74 ans, 8 décès entre 75 et 84 ans, et 2 décès entre 85 et 94 ans. Il n'y a pas eu de décès avant 35 ans et après 94 ans. Le grand-père paternel de Gérard Depardieu est décédé prématurément, il avait à peine 36 ans, laissant son enfant unique tout juste âgé de 7 ans.

 

Rencontres de deux mondes: paysan et artisanal.

Les métiers de la terre, laboureurs et cultivateurs, sont fortement représentés. puisque la moitié des ascendants de la sixième génération travaille la terre, et ceci, tant du côté paternel que maternel. La famille paternelle compte aussi un militaire, Silvain Hérault (n°18), et un artisan, Silvain Nouhant (n°44), maçon à Montchevrier. Les artisans sont plus nombreux dans la famille maternelle. Nous y recensons un sabotier, Jean Baptiste Brunet (n°52), un teinturier, Jean Joseph Hermann Lançon (n°56), un tourneur, Claude Marie Delavennat (n°54), et un tuilier-potier, Pierre Grappin (n°62). A la cinquième génération, le monde paysan rétrécit. La meunerie est représentée par Denis Foulatier (n°20) et son épouse, tous deux qualifiés de meuniers, et dont le fils, Silvain Foulatier (n°10), perpétuera la tradition. L'installation de certaines familles à Saint-Claude les incitera à tourner le bois. Le fils du teinturier de Saint-Lupicin, François Constant Lançon (n°28), sera instituteur à Etival, canton de Moirans-en-Montagne. A la quatrième génération, il ne reste plus qu'un représentant du monde agricole, Auguste Depardieu (n°8), un meunier, et du côté maternel, un commis négociant, Marius Xavier Joseph Marillier (n°12), dont l'épouse est qualifiée de "couturière", et un fabricant, Joseph Ulysse Lançon (n°14). La fille du meunier épousa ensuite le fils du cultivateur qui fut lui-même cultivateur, et la fille du fabricant de Saint-Claude a choisi le fils du commis négociant qui opta pour une nouvelle manière de vivre en devenant moniteur-pilote. L'époque a obligé le fils du cultivateur à s'installer en ville où il exerça la profession de plombier; il y a rencontré la fille du moniteur-pilote déplacé par les événements.

 

Sources:

Généalogie établie par Andrée et Maurice Aujeu.

Exposition "quartiers de ruralité de Gérard Depardieu" à Valençay du 24 septembre 1993. Extrait de "La Bireinotte" - magazine du Berry n°46, hiver 1993.

Exposition "quartiers de ruralité de Gérard Depardieu" dans l'Hôtel de Ville de Châteauroux. La Nouvelle République du Centre Ouest - jeudi 14 octobre 1993.

 

Bibliographie:

"Depardieu" de Paul Chutkow. Belfond 1994.

"Châteauroux et le Val de l'Indre". Guide pratique. Office du tourisme 1990.

"Saint-Claude". Maison du tourisme.