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GéMagazine n°181 : Stéphane Mallarmé

Avril 1999

Le prince des poètes

Elu prince des poètes à la mort de Verlaine, Etienne dit Stéphane Mallarmé est né à Paris en 1842. Orphelin de mère dès 1847, il est placé en pension; ses vacances, il les passe chez ses grands-parents maternels, les Desmolins. Son père, Numa Mallarmé, le fait entrer comme surnuméraire à l'Enregistrement à Sens. Ses goûts le portant vers les lettres, il part pour Londres pour parfaire son anglais. Professeur d'anglais marié avec Marie Gerhard et père de deux enfants, il exerce son métier de Tournon à Paris, en passant par Besançon et Avignon. A Paris, Mallarmé réunit un salon où se retrouvent, entre autres, Henri de Régnier, Maurice Barrès, Paul Claudel, André Gide et Paul Valéry. Il est considéré comme le maître de la poésie symboliste et hermétique.

Stéphane Mallarmé est natif de Paris comme le furent ses grands-parents maternels. Son père, Numa Mallarmé (n°2), est né en Belgique lorsquel le pays était sous domination française du mariage d'un fonctionnaire français et d'une fille d'un maître de forges d'Yvoir, de la région de Namur. Sa mère, Elisabeth Félicie Desmolins (n°3), est née  dans la Marne lorsque son père, André Marie Léger Desmolins (n°6), y eut son premier emploi dans l'Enregistrement. La famille Mallarmé est lorraine, plus précisément des environs de Nancy, tandis que famille Magnien est bourguignonne. Stéphane Mallarmé a de plus d'anciennes racines espagnoles.

 

Négociant à Vézelise.

L'ancêtre le plus lointain connu de la famille Mallarmé est Joseph (n°32), négociant à Vézelise, qui épousa Margueritte Burnot (n°33). Leur fils, Gabriel Mallarmé (n°16), conseiller du roi, maire de Hammeville, est décédé le 31 octobre 1799 âgé de soixante-dix-huit ans. Celui-ci eut de son épouse Anne Margueritte Jacob (n°17) cinq enfants: 1° Anne Marguerite Mallarmé née le 2 mai 1745; 2° Pierre Gabriel Pascal Mallarmé (n°8); 3° Margueritte Charlotte Mallarmé née le 19 avril 1747; 4° François René Auguste Mallarmé, le Conventionnel; et 5° François Alexandre Mallarmé, décédé le 25 juillet 1777 âgé de dix-sept ans et demi.

Le bisaïeul de Stéphane Mallarmé, Pierre Gabriel Pascal Mallarmé (n°8) épousa le 5 septembre 1773 Thérèse Rollin (n°9). Leur premier enfant vit le jour à Vézelise le 29 mars 1774, c'était une fille, Marie Gabrielle Sophie Mallarmé, qui épousa le 6 septembre 1801 François Hocquard. Six garçons suivirent: 1° Nicolas Auguste Mallarmé né le 7 mai 1775; 2° François Auguste Alexandre Mallarmé (n°4), grand-père de Stéphane Mallarmé; 3° Jean Baptiste Martial Mallarmé né le 24 août 1776; 4° Nicolas Martial Mallarmé né le 5 juin 1778, qui occupa les fonctions de directeur des postes à Belfort et qui s'allia avec la soeur de Anne Françoise Catherine Joseph de Posson (n°5), Rose Joseph de Posson, dont il eut douze enfants; 5° Jean Baptiste Mallarmé né le 3 mai 1780; et 6° Pascal Victor Mallarmé né le 21 avril 1781.

 

Soldat de l'Empereur.

André Marie Léger Desmolins (n°6) fut baptisé le 21 septembre 1789 dans la paroisse Saint-André-des-Arts à Paris. Son parrain fut André François Knapen, imprimeur libraire à Paris, syndic de la librairie, ancien consul et l'un des administrateurs des hôpitaux, qui habitait dans la paroisse Saint-Séverin; la marraine Marie Anne Reine Françoise Dauvé, était l'épouse de maître Jacques Desmolins, notaire et receveur des domaines du Roi, demeurant à Monceaux-le-Comte dans la Nièvre, et qui était représentée par Françoise Magdeleine Vignault, dame Lemonnier. André Marie Léger Desmolins fit les campagnes de 1807, 1808 et 1809 en Espagne, et fut blessé à Madrid en 1808. Puis il fit celles de 1811, 1812, 1813 et 1814 et fut porté à l'Ordre général de l'armée d'Aragon pour son courage. Il reçut la Légion d'honneur le 15 octobre 1814. On le retrouve en 1815 en Belgique. Dès 1816, André Marie Léger Desmolins entame une carrière comme surnuméraire dans l'Enregistrement. Le 17 janvier 1818 il signe un acte chez maître Louis Henry Bréton, notaire à Paris, acte qui règle les modalités de son mariage avec Louise Etienne Magnien (n°7). Au mois de Juillet suivant, il obtient son premier poste comme receveur de l'Enregistrement à Fère-Champenoise dans la Marne. C'est là que naîtra leur fille unique, Elisabeth Félicie Desmolins (n°3), mère de Stéphane Mallarmé. Sa carrière le ménera à Charleval dans l'Eure, à Villejuif dans l'ancienne Seine, dans la Nièvre, et enfin à Paris où il grimpera différents échelons, de sous-chef de 2ème classe à chef de 1ère classe. Il prendra sa retraite le 1er mars 1860 après avoir fait partie de plusieurs commissions: commissions chargées de l'organisation du personnel de l'Enregistrement aux Colonies et en Algérie. Il sera même envoyé à Londres par le ministre des Finances pour étudier le système de l'impôt du timbre en Angleterre.

 

Claude Joseph Mallarmé, préfet.

L'Armorial du Premier Empire du Vicomte Albert Révérend apparente par erreur Claude Joseph Mallarmé, baron de l'Empire, à François René Auguste Mallarmé, le Conventionnel, frère de Pierre Gabriel Pascal Mallarmé (n°8), bisaïeul de Stéphane Mallarmé.

En fait, le préfet Claude Joseph Mallarmé qui exerça ses fonctions dans la Vienne en 1807 et dans l'Indre en 1815, est né sur la paroisse Saint-Sébastien à Nancy le 2 avril 1758, est le fils de Claude François Mallarmé et de Marguerite Catherine Houillon.

Claude François Mallarmé le père, était avocat au Parlement de Nancy; fils de Dominique Mallarmé et de Anne Mégnet, il est né à Nancy le 13 avril 1721. Il eut de son épouse, Marguerite Catherine Houillon, huit enfants tous nés à Nancy de 1757 à 1771.

Claude Joseph Mallarmé est mort à Saint-Max le 23 juillet 1835. Substitut du procureur général au parlement de Nancy (1788), maire de Nancy (1795), député de la Meurthe au conseil des Cinq-Cents, délégué des consuls dans le Bas et le Haut Rhin, tribun puis préfet, il fut fait Baron de l'Empire en 1810, titre héréditaire confirmé par lettres-patentes du 11 novembre 1815. Il porte "parti: au I d'azur à trois glands d'argent, tigés et feuillés du même, 2 et 1; au II, échiquté d'or et de gueules; au franc-quartier de gueules à la muraille crénelée d'argent, surmontée d'une branche de chêne de même". Il ne laissa qu'une fille mariée avec le président du tribunal de Lunéville, Charles Gabriel Thomas, dont un fils, sous-préfet sous le nom de Thomas-Mallarmé.

 

François René Auguste Mallarmé, Conventionnel et grand-oncle de Stéphane Mallarmé.

Quant à François René Auguste Mallarmé, il est né à Nancy le 25 février 1755 de Gabriel Mallarmé (n°16) et de Anne Margueritte Jacob (n°17).

Licencié en droit en 1778, il exerça ses fonctions d'avocat à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle) où il épousa le 3 mai 1774 Marie Magdeleine Challot dont il eut deux fils: 1° Gabriel Georges Louis Auguste Mallarmé (1775-1837) qui termina sa vie à Paris le 30 octobre 1837 comme surveillant de la maison d'arrêt de Saint-Lazare; et 2° Antoine Mallarmé, commerçant à Lille (Nord).

François René Auguste Mallarmé fut élu député de la Meurthe, et ensuite à la Convention. Il vota la mort de Louis XVI. Arrêté, puis libéré, il se retira à Namur, près de son frère, Pierre Gabriel Pascal Mallarmé (n°8). Il termina sa carrière dans les fonctions de sous-préfet d'Avesnes en 1815. Après Waterloo, il fut prisonnier des prussiens. Après sa libération, on le retrouve chez son fils Antoine Mallarmé à Lille, puis chez les frères Cellistes chez lesquels il s'éteint le 9 décembre 1821.

 

Originaire d'Espagne.

Les de Posson comptent plusieurs générations de maîtres de forges à Yvoir. La famille de Posson est installée aux Pays-Bas depuis le XVIème siècle; elle était en fait originaire d'Espagne.

L'ancêtre le plus lointain connu est Joseph de Posson (n°640) qui est mort à Givet (Ardennes) le 4 juillet 1569 à l'âge de soixante dix huit ans. De son épouse prénommée Marie Thérèse, il eut au moins Jean de Posson (n°320) dont l'épouse Catherine lui donna trois enfants. Il est né en 1541 et mort en 1603. Un de ses fils, François de Posson (n°160) né en 1582 et décédé en 1632 a épousé Marie Charlotte de Bauve.

Gaspard de Posson (n°80), leur fils né en 1618 et mort en 1680, eut six enfants de Catherine Lejeune d'Hérival (n°81), dont Joseph de Posson (n°40) qui fut l'époux de Marie, fille de Jean Baptiste de Rasquin, avocat général au Parlement de Flandre.

Gérard Joseph de Posson (n°20) est qualifié de seigneur de Saunois, du Grand Duché du Luxembourg, et de Monia, de la principauté de Liège.

 

Maîtres de forges d'Yvoir.

Joseph Thomas Antoine de Posson (n°10) était maître de forges à Yvoir, forges acquises par droit seigneurial. La famille de Posson évoluait dans un milieu favorisé et aisé, entourée d'autres familles de maîtres de forges, tels les Misson, les Moreau et les Wilmet. Qualifié de "chef de la branche de Givet", Joseph Thomas Antoine de Posson  avait épousé Anne Françoise Lebez (n°11), la fille unique de Joseph Lebez (n°22), consul des deux Givet et de Poilvache.

La mère d'Anne Françoise Lebez, Anne Françoise de Las Peòas (n°23) descend de don Carlos de Las Peòas qui fut brûlé vif dans un four à pain à Mesnil-Saint-Blaise en 1564.

Le 10 avril 1793, la famille assiste au mariage de Anne Françoise Catherine Joseph de Posson (n°5) avec Louis François de Saussey, seigneur de la Rachinière et alors capitaine au régiment du duc de Penthièvre. Baptisé à Millières (Manche) le 31 juillet 1765, il était le fils de Guy François du Saussey et de Jeanne Françoise Brohier de Littinière. Trois enfants vont naître: 1° Anne Herminie de Saussey; 2° Adèle Françoise de Sausey; et 3° une fille Marie morte jeune.

 

Divorce et remariage.

Le 31 octobre 1798 naît Miller Thimothée Auguste Mallarmé dit "fils de Anne Françoise Catherine Joseph de Posson (n°5) et de François Auguste Alexandre Mallarmé (n°4)". C'est le 25 août de l'année suivante (1799) que fut prononcé le divorce d'avec Louis François de Saussey qualifié d'émigré. C'est à Turnhout, dans le département des Deux-Nèthes[1], qu'elle se remaria le 19 décembre 1800. François Auguste Alexandre Mallarmé y était alors "receveur de l'Enregistrement". Une cérémonie religieuse suivit et fut célébrée à Bruxelles.

La famille va s'agrandir rapidement. Plusieurs naissances vont se succéder: en 1801 à Turnhout, Victorine Amélie Françoise Mallarmé, en 1803 à Diest, Henry Victor Mallarmé, en 1804 à Diest, Jules Charles Adélaïde Mallarmé, en 1805 à Omal, Numa Florent Joseph Mallarmé (n°2), en 1807 à Omal, Martial Joseph Alexandre Mallarmé, en 1809 à Waremme, Aglaé Jeanne Euphémie Mallarmé, et en 1818 à Montmédy, Jean Baptiste Emile Mallarmé.

 

Les oncles du poète et leurs carrières militaires.

Miller Thimothée Auguste, Henry Victor, Martial Joseph Alexandre, Jules Charles Adélaïde, Jean Baptiste Emile Mallarmé, les cinq oncles paternels de Stéphane Mallarmé ont tous embrassé une carrière militaire. Seul le père de Stéphane, Numa Florent Joseph Mallarmé (n°2) suivit la trace de son père en entrant dans l'administration de l'Enregistrement.

Miller Thimothée Auguste Mallarmé épousa à Dijon Marie Anne Euphrosine Boutet de Villevoix en novembre 1841. Il est décédé âgé de trente-huit ans à Troyes où il était "capitaine commandant le dépôt de recrutement et de réserve de l'Aube". La carrière militaire d'Henry Victor Mallarmé se déroula essentiellement en Algérie. Martial Joseph Alexandre Mallarmé fut transféré en 1839 dans l'infanterie de marine à la Guadeloupe où il épousa à Basse-Terre Ange Louise Françoise Lemoyne d'Aubermesnil le 6 mars 1848, et qui mourut le 17 mai suivant emporté par une fièvre typhoïde. Jules Charles Adélaïde Mallarmé épousa à Ham dans la Somme le 15 octobre 1836 Louise Anne Alexandrine Quentin alors qu'il était en garnison à Cherbourg. Et Jean Baptiste Emile Mallarmé, le petit dernier,  lui,  entra à l'école polytechnique et finit sa carrière en 1874 comme "colonel du 20ème régiment d'artillerie".

Henry Victor, Martial Joseph Alexandre et Jules Charles Adélaïde Mallarmé reçurent tous les trois la légion d'honneur.

Victorine Amélie Françoise Mallarmé s'allia avec un propriétaire de Mâcon, Jean Baptiste Adélaïde Henri Robert, et Aglaé Jeanne Euphémie Mallarmé épousa un lieutenant au 60ème régiment d'infanterie en garnison à Lille en 1840, Etienne Adrien Huguet.

 

Avocat au Parlement de Dijon.

Jacques Magnien (n°28) avait épousé Marie Anne Malechard. On trouve leur deux fils, Blaise Magnien (n°14) et Jacques Magnien, dans l'administration de l'Enregistrement.

Jacques Magnien est encore en fonction comme directeur de l'Enregistrement en 1809. Marié le 22 juillet 1787 avec Justine Anastasie Vallou Villeneuve, il eut trois enfants: 1° Jacques Adrien Magnien décédé à Paris le 16 avril 1863; 2° Marie Edouard Magnien décédé à Versailles le 7 mars 1866; et 3° Marie Justine Magnien épouse de Joseph Louis Adolphe Veytard.

Blaise Magnien (n°14) avait épousé le 24 août 1784 à Paris - comme il le déclare à la naissance de Louise Etienne Magnien (n°7) ils ont été "mariés en 1784 dans la chapelle du citoyen Faventine à la commune de Puteaux près Paris par le ci-devant curé de la ci-devant paroisse Saint-Germain-l'Auxerrois de Paris" - Elisabeth Rosalie Lacoste (n°15).

Leur mariage fut scellé par la naissance de trois petites filles: 1° Elisabeth Louise Pauline Magnien qui épousera Philippe Louis Grand; 2° Louise Pauline Camille Magnien, mariée le 31 juillet 1813 avec Jean Baptiste Célestin Harpin, dont deux filles; et 3° Louise Etienne Magnien (n°7).

 

Jeux d'alliances dans le monde de l'Enregistrement.

Pierre Louis Lacoste (n°30), administrateur de l'Enregistrement à Paris, et Louise Balmes (n°31), sa femme, ont eu au moins quatre enfants.

Pierre Félix Lacoste, l'aîné, occupa les fonctions de chef de division à l'administration de l'Enregistrement à Paris. Père de deux enfants et veuf en premières noces d'une demoiselle de Coursac dont le père était juge au tribunal de première instance à Angoulême, il épousa en secondes noces Rose Marin.

La naissance de Pierre Félix Lacoste fut suivie par celles de trois filles. La première, Aimée Dorothée Lacoste fut l'épouse de Louis Espaniou Deszilles, directeur de l'Enregistrement et des Domaines à Versailles, dont descend Louis Jules Finot, notaire à Versailles. La deuxième, Clémence Lacoste, avait épousé aussi un directeur des Domaines à Besançon, Claude Hubert Grand, qui était aussi administrateur des hospices réunis de la même ville. La troisième, Elisabeth Rosalie Lacoste (n°15).

 

Bibliographie:

"Documents iconographiques" Pierre Cailler Editions.

"Mallarmé" de Charles Mauron. Ecrivains de Toujours. Seuil.

"Vie de Mallarmé" de Henri Mondor. Gallimard 1941.

"Documents Stéphane Mallarmé. 5, Introduction, chronologie de Mallarmé jusqu'en 1863, lettres et documents de famille, 1765-1864" présentés par Carl Paul Barber. Librairie Nizet Paris 1976.

 

Sources:

Etat civil parisien (archives de la Seine).

Archives d'Etat. Bruxelles. (recherches effectuées par Chantal MOUGEL 19 route d'Avesnes 59440 Haut-Lieu).

 

[1] En 1792, la France, entrée en guerre contre l'Autriche, occupa la Belgique après la victoire de Jemmapes (novembre 1792). Elle en fut chassée par sa défaite à Neerwinden (18 mars 1793). La victoire de Jourdan à Fleurus le 26 juin 1794 lui permit d'annexer la Belgique dès octobre 1795, dont la possession lui fut reconnue par l'Autriche par le traité de Campoformio (1797). Le pays fut divisé en neuf départements: Dyle (Bruxelles); Escaut (Gand); Forêts (Luxembourg); Jemmapes (Mons); Lys (Bruges); Meuse-Inférieure (Maastricht), Deux-Nèthes (Anvers); Ourthe (Liège); et Sambre-et-Meuse (Namur). Le 21 juillet 1814, création du royaume de Hollande.