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GéMagazine n°245 : Jean-Paul Sartre

Février 2005

Ecrivain des " Temps modernes ", engagé dans son siècle.

Si la parenté de Jean-Paul Sartre avec la famille Schweitzer a depuis longtemps été étudiée, ses origines paternelles entre Dordogne et Corrèze, sont ici précisées, à l'instar des origines maternelles bourguignonnes et bressanes.

 

Le centenaire de sa naissance.

La Bibliothèque nationale de France consacre une exposition à Jean-Paul Sartre à l'occasion du centenaire de sa naissance : Jean-Paul Sartre, philosophe, romancier, dramaturge, biographe, théoricien, journaliste… et humaniste. Normalien, agrégé de philosophie, Jean-Paul Sartre a acquis au cours de ses études et de sa carrière professorale une connaissance approfondie de la pensée des grands philosophes, et ce n'est qu'en 1943, qu'il exposa les éléments de sa propre doctrine dans l'Etre et le néant, un ouvrage capital : Exister, se sentir présent dans le monde, se jeter dans le monde, se construire et se forger en même temps, telle est sa philosophie, l'Existentialisme. Elle s'exprime chez Jean-Paul Sartre au travers de ses œuvres philosophiques bien sûr, mais aussi au travers de ses romans et pièces de théâtre ; il s'est en effet intéressé aux situations concrètes de l'homme dans sa vie quotidienne et à ses expériences affectives tel que la solitude, le désespoir et l'angoisse. A la terrasse du café des Deux-Magots, Jean-Paul Sartre avait sa table et chacun y venait comme dans un petit cénacle. " Les temps modernes" est le titre de la revue qu'il a fondée. Ses pièces furent pour certaines jouées par la Compagnie Renaud-Barrault.

 

Venu au monde entouré de la famille de sa mère, les Schweitzer.

Le 24 juin 1905 fut déclarée à la mairie du 16e arrondissement de Paris la naissance de Jean Paul Charles Aymard Sartre, né le 21 à six heures quarante cinq minutes du soir, au 13 de la rue Mignard. La naissance fut déclarée, le père étant absent, par Charles Chrétien Schweitzer (n° 6), grand-père de l'enfant, alors âgé de soixante et un ans, professeur au Lycée Janson de Sailly, en présence Auguste Philippe Schweitzer, alors âgé de soixante deux ans, négociant au 80 boulevard Malesherbes, grand-oncle de l'enfant, et Philippe Emile Schweitzer, alors âgé de vingt huit ans, professeur au lycée Condorcet, oncle maternel de l'enfant. Ses parents sont alors domiciliés à Toulon (Var) où Marie Jean Baptiste Eymard Sartre est enseigne de vaisseau. Son grand-père et son grand-oncle maternels sont tous deux Chevaliers de la Légion d'honneur. Comme écrivain, il prendra comme prénom Jean-Paul avec un tiret, bien que seul le prénom Jean figure en marge de son acte de décès, acte rédigé le 15 avril 1980. Bien que Jean-Paul Sartre soit mort à l'hôpital  Broussais, son domicile déclaré était au 29 boulevard Quinet dans le 14e arrondissement de Paris. Célibataire, il avait adopté en 1965 Arlette Elkaïm, critique cinématographique à la revue Les temps modernes.

 

L'itinéraire d'un orphelin de père à quinze mois.

Orphelin de père très tôt, Jean-Paul Sartre n'a eu ni frère, ni sœur. Marie Jean Baptiste Eymard Sartre (n° 2), son père, s'est en effet éteint le 17 septembre 1906 à Thiviers en Dordogne d'une maladie intestinale contractée en Cochinchine. Jean-Paul Sartre a vécu dans sa petite enfance à Paris avec son grand-père. Sa mère, Anne Marie Madeleine Schweitzer (n° 3) s'est remariée le 26 avril 1917 à Paris 5e avec Joseph Mancy, et l'adolescent les a suivi à La Rochelle. De retour à Paris en 1920, il entre au Lycée Henri IV, et part ensuite au Havre pour y enseigner en tant que professeur de philosophie. En 1940, c'est la guerre, il est fait prisonnier et enfermé au camp de Trèves. Libéré en 1941, il part à la fin de la guerre en Amérique effectuer des reportages pour Combat et Le Figaro et fonde à son retour la revue Les Temps modernes. Compagnon du Parti Communiste jusqu'en 1956 menant de front des actions politiques et l'écriture littéraire et philosophique, il refusa le prix Nobel en 1964.

 

L'entourage familial de Jean-Paul Sartre.

Du côté de son père, Jean-Paul Sartre avait un oncle, Joseph Sartre (1868-1927), agent d'assurance mort sans alliance, une tante, Hélène Sartre (1872-1954), alliée en 1904 à Frédéric Lannes (1869-1917, capitaine de génie, et une cousine germaine, Annie Lannes née en 1906, morte dans sa dix-neuvième année. Du côté de sa mère, il avait deux oncles : 1° Georges Joseph Pascal Schweitzer (1875-1955), ancien élève de l'Ecole polytechnique, ingénieur en chef du génie maritime, rédacteur en chef de Photo-revue, marié par deux fois ; et 2° Emile Philippe Schweitzer (1876-1927), professeur d'allemand, mort sans alliance. Des deux mariages de Georges Schweitzer, Jean-Paul Sartre avait cinq cousins : 1° Henri Schweitzer (1900-1965), ingénieur de l'Ecole supérieure d'électricité ; 2° Charles Schweitzer  (1902-1965), ingénieur chimiste ; 3° René Schweitzer (1907-1986), prêtre ; 4° Jean Schweitzer né en 1918, ingénieur de l'Ecole de physique et de chimie de Paris ; et 5° Jacques Schweitzer (1922-1940), sans alliance.

 

Enseigne de vaisseau à Brest, puis à Toulon.

Marie Jean Baptiste Eymard Sartre (n° 2), ancien élève de l'Ecole polytechnique, a vu le jour le 5 août 1874 à Thiviers, en Dordogne. Lorsqu'il épouse le 3 mai 1904 à Paris 16e Anne Marie Madeleine Schweitzer (n° 3), il est enseigne de vaisseau à Brest. Ses parents, Eymard Sartre (n° 4) et Marie Marguerite Chavoix (n° 5) demeurent à Thiviers. Le futur est accompagné de sa mère, son père, a donné son consentement aux termes d'un acte reçu le 30 avril 1904 par maître Versavaud, notaire à Thiviers. Le futur est aussi autorisé à contracter mariage par le Vice-amiral, préfet maritime du 5e arrondissement. Le marié est accompagné d'un cousin, Edmond Puiffe Magondeaux, alors âgé de vingt neuf, receveur de l'Enregistrement à Saint Cyprien, en Dordogne, d'un ami, René Chapelot, libraire éditeur au 134, boulevard saint Germain.

 

Parenté avec les Schweitzer.

Si le mariage religieux des parents de Jean-Paul Sartre fut célébré le 5 mai 1904 en l'église Notre-dame de grâce de Passy, les conditions de leur union furent réglées par contrat passé par devant maître Amy, notaire à Paris, en date du 2 mai 1904. La future épouse est accompagnée d'un oncle paternel, Auguste Philippe Schweitzer, celui-là même qui fut présent à la naissance du petit Jean-Paul en 1905, et de son frère, Georges Joseph Pascal Schweitzer, ingénieur de la Marine en poste à Cherbourg, peut-être celui qui permit la rencontre entre les nouveaux mariés, l'un comme l'autre étant anciens élèves de l'Ecole polytechnique.

Le second mari d'Anne Marie Madeleine Schweitzer, Joseph Mancy, est ingénieur, domicilié au 23 de la rue Pétrelle sur le 9e arrondissement, né à Terrenoire, dans la Loire, le 7 novembre 1875, fils majeur de François Mancy et de Emilie léontine Demessieux, tous deux demeurant au 20 de la rue Brochant. La future est domiciliée alors avec ses père et mère, au 1 de la rue Le Goff sur le 5e. Leur mariage fut réglé par un contrat passé par devant maître Théret, notaire à Paris. Les futurs sont accompagnés de Just Lucien Maurice, inspecteur général de la Marine, Officier de la légion d'honneur, de Pierre Lorrain, ingénieur de la Marine, de Philippe Auguste Schweitzer, oncle, et de Philippe Emile Schweitzer, frère.

 

Des cousins célèbres.

Le grand-père maternel de Jean-Paul Sartre, Charles Chrétien Schweitzer (n° 6), docteur ès lettres et agrégé de l'Université, accepta d'épouser Louise Charlotte Adrienne Guillemin (n° 7) dans la foi de celle-ci, le catholicisme. Les parents, Philippe Schweitzer (n° 12) et Marie Louise Gerst (n° 13) avaient eu deux filles et trois garçons : 1° Caroline Schweitzer qui s'allia avec Michel Biedermann ; 2° Louise Schweitzer mariée à Alfred Pierron ; 3° Charles Chrétien Schweitzer (n° 6) ; 4° Philippe Auguste Schweitzer (1843-1940) qui opta pour la nationalité française le 24 mai 1872, dont la fille, Marie-Louise Schweitzer épousa en secondes noces, Gustave Monod (1885-1968) ; et 5° Louis Schweitzer (1846-1925), pasteur, qui eut de son épouse Adèle Schillinger (1842-1916) trois filles et deux fils : Louise Schweitzer alliée à Jules Ehrethsmann ; Adèle Schweitzer épouse en premières noces de Albert Gluntz, en secondes noces de Albert Woytt ; Marguerite Schweitzer, sans alliance ; Albert Schweitzer (1875-1965), prix Nobel de la paix en 1952 ; et Paul Schweitzer (1882-1967) qui épousa Emma Munch, la fille du musicien, Ernest Munch, et sœur du chef d'orchestre, Charles Munch.

 

Les aléas de l'orthographe des noms de famille : de Chartre à Sartre.

L'ascendance Sartre remonte à un certain Pierre Sartre (n° 32) - le rédacteur de l'acte a écrit Chartre, le marié a signé Sartre - qui épousa le 29 janvier 1765 à Corgnac Marie Amblard (n° 33). Pierre Sartre (n° 32) est journalier au village de La Grange, la future, du village de Puyfeybert, lieux-dits de la paroisse de Corgnac. Marie Amblard (n° 33) fut inhumée le 3 juillet 1769, elle avait tout juste trente ans. De cette brève union était né un petit garçon au village de Puyfeybert, prénommé Pierre comme son parrain, Pierre Sartre du village de La Grange, il sera dit Eymard dans la vie de tous les jours, c'est ainsi qu'il se mariera et qu'il s'éteindra sous le prénom d'Eymard. Pierre dit Eymard Sartre (n° 16) fut baptisé le 27 janvier 1768 à Corgnac. Quelques années plus tard au même lieu, fut portée sur les fonds baptismaux une petite fille, Marguerite Beylot (n° 17), précisément le 26 juillet 1774 ; elle est la fille de Léonard Beylot (n° 34) et de Marie Lafon (n° 35) du village de Coulongeix, et eut pour parrain, Raymond Beylot, et pour marraine, Marguerite Lafon du lieu de La Croix Delage.

 

Un petit domaine d'exploitation à Corgnac.

Eymard dit Pierre Sartre (n° 16) et Marguerite Beylot (n° 17) se sont mariés et se sont éteints à Corgnac. Le premier le 7 février 1849, le 4 août suivant fut rédigée la déclaration de succession suivante, et ce, en présence de Pierre Sartre, cultivateur à Puyfeybert, cohéritier d'Eymard Sartre avec Thomas Sartre, autre Pierre Sartre, autre Pierre Sartre et Léonarde Sartre, ses frères et sœur. Son épouse survivante, Marguerite Beylot est légataire en usufruit du tiers des biens appartenant au décédé suivant le contrat de mariage du 10 Brumaire an 9 passé devant maître Feyfaut, notaire à Corgnac. On y apprend que la succession se compose de vingt draps de lit, trois lits complets, des ustensiles de cuisine, de tables et de chaises, de trois cabinets, le tout estimé à 216 francs. Les acquets font état d'un petit domaine composé de bâtiments d'exploitation, près et bois, cour et jardin, le tout d'un revenu de 250 francs. Après le décès de cette dernière survenu le 15 avril 1851 à Corgnac, Marguerite Beylot (n° 17) laisse cinq enfants vivants et cultivateurs à Puyfeybert, tous figurent dans la déclaration de succession du 11 octobre 1851.

Le mariage de Pierre dit Eymard Sartre (n° 16) et de Marguerite Beylot (n° 17) a été célébré le 20 Brumaire an 09 (soit le 11 novembre 1800), soit dix jours après la signature du contrat de mariage. Pierre dit Eymard Sartre (n° 16) est dit âgé de trente quatre ans, né à Puyfeybert, cultivateur, fils de Pierre Sartre (n° 32) et de feue Marie Amblard (n° 33). Marguerite Beylot (n° 17) est âgée de vingt six ans, née à Coulonge, fille de feu Léonard Beylot (n° 34) et de Marie Lafon (n° 35). Les témoins sont deux oncles de l'époux, Pey Sartre, âgé de soixante quatre ans, et Pierre Sartre, âgé de soixante et un ans, tous deux cultivateurs à La Grange. A noter que le rédacteur de l'acte se complait à écrire le patronyme Chartre, mais que les signatures tant celle de l'époux "aymar sartre" que celle du père de l'époux "sartre" font bien état du patronyme Sartre.

 

Imprimeur, praticien, puis notaire.

Le mariage Guillemin-Suffet fut célébré le 10 avril 1847 à Bourg-en-Bresse, dans l'Ain. Le futur, Emile Antoine François Charles Guillemin (n° 14) est un avoué de la ville de Mâcon où il est né, accompagné de ses parents, Jean Ange Guillemin (n° 28) et de Jeanne Marie Elisabeth Perraud (n° 29), tous deux propriétaires à Mâcon. Ces derniers avaient convolés le 20 novembre 1811 à Mâcon, le futur étant alors qualifié de greffier de paix, fils d'un marchand installé à Mâcon, Etienne Guillemin (n° 56) et de Jeanne Marie Boiron (n° 57). La future baptisée le 23 juin 1776 à Mâcon, est alors orpheline de père et de mère, puisque son père, Claude Perraud (n° 58), et sa mère, Jeanne Marie Sainmartin (n° 59), sont tous deux dits "décédés".

Anne Rosalie Augustine Suffet (n° 15) est elle propriétaire au 4, rue Bourgmayer à Bourg-en-Bresse où elle demeure avec ses parents, Pierre Suffet (n° 30), notaire, et Charlotte Peveland (n° 31). Les futurs sont accompagnés de François Perraud, propriétaire et secrétaire de la mairie de Bourg-en-Bresse, cousin du futur, de Marie Auguste Michel Cochet, notaire, cousin du futur, de Benoît Anselme Michon, avoué, beau-frère de la future, et de Jean Marie Mercier, libraire, ami.

Le mariage de Pierre Suffet (n° 60) et de Charlotte Peveland (n° 31) a été célébré le 10 septembre 1823 à Bourg-en-Bresse, les futurs sont tous deux dits "mineurs", le marié est fils d'un cordonnier, Antoine Suffet (n° 60), la mariée est fille d'un charpentier, Joseph Peveland (n° 62). Et le futur est dit "imprimeur", il sera qualifié de praticien à la naissance de sa fille en 1828 et notaire au mariage de celle-ci en 1847. Ils sont assistés de quatre amis, un aubergiste, un tonnelier, un menuisier et un garde forestier, professions qui nous situent les familles dans un milieu d'artisans, propriétaires de leurs biens, dont les moyens ont permis aux enfants d'acquérir des charges d'avoué et de notaire.

 

Sources :

- Recherches faites aux archives de la Dordogne à Périgueux par Martine Duhamel, généalogiste professionnelle, 15, rue du port de Graule 24000 Périgueux.

- Recherches faites aux archives de la Haute-Saône à Mâcon et aux archives de l'Ain à Bourg-en-Bresse par Jean-Bernard Laurent, généalogiste professionnel, 9, impasse des Deux-Jardins 69210 Sain Bel.

- Recherches faites à Paris par Myriam Provence, généalogiste professionnelle, 29, rue Tandou 75019 Paris.

 

Bibliographie :

- “ A la découverte de leurs racines - Généalogies de 85 célébrités - Première série ” de Joseph Valynseele et Denis Grando. ICC février 1988.